MUSIQUE
ET MUSICIENS DE L'EGYPTE ANCIENNE
Doctorat en préparation sous la
direction du Professeur Jean-Claude
Goyon
Université de Lyon
II-Lumière
PRESENTATION
DU SUJET
Les
sources égyptiennes antiques nous
fournissent un éventail très
large d'informations sur la musique et les
musiciens de cette civilisation. Elles se
composent de documents de nature
très variée qui proviennent
de localités diverses et couvrent
toute l'histoire égyptienne, de
l'époque prédynastique
à la période
ptolémaïque. Le corpus
í le plus important est
formé par les
représentations iconographiques des
tombes et des temples. Les scènes
musicales qui y sont dépeintes se
rapportent soit à la vie
quotidienne soit à des
manifestations religieuses. A cela
s'ajoutent de nombreuses inscriptions
hiéroglyphiques, le plus souvent
courtes, qu'on trouve aussi bien sur des
papyrus, des stèles, des statues,
des instruments de musique, des
sarcophages, mais aussi en légende
des scènes figurées sur les
murs des tombes et des temples. Nous avons
également des textes plus longs qui
devaient être chantés et/ou
accompagnés par un ou plusieurs
instruments: "chants de harpiste",
"poésie amoureuse" ou certains
"rituels". Il existe encore de nombreux
objets de la vie quotidienne
décorés de scènes
musicales (cuillères, coupes,
boîtes), ainsi que quelques rares
statuettes, ostraca et amulettes
représentant des instrumentistes,
parfois même sous les traits
d'animaux musiciens. Ce sont donc quelques
milliers de documents qui existent sur le
sujet mais qui ne sont pas tous
d'égal intérêt. Par
exemple, sur les quelques centaines
d'instruments de musique conservés
dans les musées, la grande
majorité ne porte aucun motif
décoratif et est d'époque
tardive. Nous en possédons,
néanmoins, quelques-uns appartenant
à un passé plus
reculé et si les sistres, les
cymbales et les claquoirs se sont
conservés en plus grand nombre,
quelques flûtes, harpes, luths,
trompettes et tambours nous sont
également parvenus.
Dès
le début du XIXème
siècle, la richesse des sources sur
la musique égyptienne antique a
suscité, l'intérêt des
scientifiques. La bibliographie sur le
sujet est impressionnante. Ce sont
essentiellement des musicologues qui ont
réalisé ces études.
Le principal objectif de leur recherche
était d'ajouter un chapitre
à l'histoire de la musique et de
définir en quoi la musique de
l'antique Egypte avait pu contribuer
à la genèse de la musique
occidentale. Ils désiraient, pour
ce faire, redécouvrir le
système musical des anciens
Egyptiens. En l'absence de partitions
musicales, les outils d'analyse mis au
point par l'organologie et
l'ethnomusicologie devaient leur permettre
d'atteindre le but qu'ils s'étaient
fixés. Mais, ces deux sciences
n'ont toujours pas apporté les
résultats espérés.
Elles nous ont cependant permis de mieux
connaître l'ensemble des instruments
de musique utilisés par les anciens
Egyptiens.
*
Après
deux siècles de publications sur la
musique de l'Egypte ancienne, notre
dessein est d'interroger les sources
égyptiennes antiques sous un nouvel
angle de recherche: celui de l'histoire
sociale et culturelle. En effet, quand on
regarde cette documentation dans cette
perspective, de nombreuses questions se
posent: quels étaient le rôle
et la fonction de la musique dans la
société égyptienne
antique? A quelles activités de la
vie quotidienne était
associée cette forme d'expression
artistique (culte, funérailles,
guerre, chasse, travail, danse, jeux,
divertissements) et de quelles
façons? Peut-on définir
différents répertoires
musicaux (musique sacrée, musique
profane)? Y avait-il des divinités
particulièrement liées
à la musique? Qui étaient
les musiciens et les musiciennes?
Avaient-ils un rôle et un statut
particulier dans la société?
Ceux qui intervenaient dans les
cérémonies religieuses,
étaient-ils attachés
à un temple ou se
déplaçaient-ils en fonction
des calendriers des fêtes? Sont-ce
les mêmes personnes qui jouent dans
les fêtes religieuses et les
banquets privés? Peut-on parler de
musiciens professionnels et établir
une hiérarchie entre les
différents titres que nous
connaissons? Quels étaient leurs
revenus? Existait-il un apprentissage de
la musique? Qui fabriquait les instruments
de musique? D'où provenaient les
matériaux utilisés? Un
instrument était-il
réservé à un usage
spécifique (répertoire mais
aussi lieu et heure de la journée)?
L'acoustique des temples se
prêtait-elle aux manifestations
sonores? Pouvait-on entendre à
l'extérieur de l'enceinte
sacrée la cérémonie
qui se déroulait à
l'intérieur? Voilà autant de
questions qui n'ont, jusqu'à
maintenant, jamais été
abordées et pour lesquelles la
bibliographie s'avère quasiment
inexistante.
Il
nous faudra donc repartir des sources
égyptiennes antiques. Notre
démarche sera, en premier lieu,
d'affiner notre connaissance du
vocabulaire égyptien concernant
tout ce qui se rapporte à la
musique. En effet, les traductions
proposées jusqu'à maintenant
ne rendent pas compte de la richesse du
lexique égyptien. Une fois que le
sens de chaque mot sera plus clairement
défini, nous pourrons plus
aisément exploiter les informations
que nous donnent les inscriptions
hiéroglyphiques. Dans un
deuxième temps, nous
étudierons les scènes
musicales qui décorent les murs des
tombes et des temples dans le cadre plus
large du contexte auxquels elles se
rattachent. Cela nous conduira à
définir l'ensemble des secteurs
où la musique intervient dans la
société égyptienne
antique. Le classement de la documentation
permettra alors de rapprocher les
scènes qui illustrent les
mêmes activités. Elles
pourront ainsi s'éclairer les unes
les autres et nous amener à mieux
comprendre le déroulement d'une
festivité ainsi que les moments
où intervenait la musique: textes
récités, chantés ou
psalmodiés selon les étapes
de la cérémonie, choeur
répondant au prêtre, femmes
dansant au rythme des sistres, joueur de
tambour précédant la
procession de la barque divine et ainsi de
suite. Enfin, pour mieux cerner le
rôle, la fonction et le statut des
musiciens et des musiciennes dans la
société égyptienne
antique, il faudra analyser leurs titres,
les textes qui nous parlent d'eux et faire
une étude iconographique sur leur
tenue vestimentaire ainsi que sur leur
gestuelle. Nous savons que le temple
égyptien était un lieu
fermé et réservé
à une élite de
prêtres. Il serait donc
intéressant de savoir à
quelle partie du temple pouvait
accéder un musicien. Du même
coup, nous apprendrions quels
étaient les secteurs où la
musique était admise et quels
étaient les instruments
joués. Il faudra alors se demander
à quelle divinité
était dédiée cette
musique ainsi que la signification de
cette offrande.
Cette
approche novatrice du sujet nous apportera
des informations inédites sur un
art, une culture et une
société plusieurs fois
millénaires et nous permettra enfin
de connaître le rôle, la place
et le statut de la musique et des
musiciens de l'Egypte ancienne.
Sibylle
Emerit, Lyon, septembre 1999
Sibylle
Emerit, Karnak,
1997
|
|
| Accueil
|